Baisse historique de la production nucléaire française, recours au gaz et aux importations : le gestionnaire du réseau électrique RTE a présenté un bilan électrique « hors normes » pour 2022.
« Nous avons traversé la crise énergétique la plus importante depuis le milieu des années 1970. » En une phrase, Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, a donné le ton. Flambée des prix de l’électricité, indisponibilités massives dans les parcs nucléaire et hydraulique, chute de la consommation, c’est une année hors normes qu’a décrit le gestionnaire du réseau à l’occasion de la présentation, le 16 février, de son bilan électrique 2022.
- Une baisse historique de la production
La production d’électricité a été à son plus bas niveau depuis 1992. 445 térawattheures (TWh) sont sortis des centrales, un volume en baisse de 15 % par rapport à 2021. Principaux responsables de cet effondrement, le nucléaire et l’hydraulique.
Côté nucléaire, 279 TWh ont été produits. C’est 30 % de moins que la moyenne des vingt dernières années. Il faut remonter à 1988 pour retrouver un niveau de production aussi bas. « De nombreux arrêts pour maintenance – grand carénage, visites décennales – étaient prévus l’année dernière, a expliqué Thomas Veyrenc, directeur exécutif stratégie, prospective et évaluation. Sans compter les arrêts liés au phénomène de corrosion sous contrainte [des fissures dans l’acier] qui a touché les réacteurs les plus récents. » Le nombre de réacteurs indisponibles a atteint un niveau critique pendant l’été. EDF a en effet concentré un maximum d’arrêts aux beaux jours pour limiter le risque de black-out pendant l’hiver 2022-2023. Le 28 août, près de 65 % du parc était hors service.
Côté hydraulique, la situation a été pire encore. La production a atteint son plus bas niveau depuis 1976 : 49,6 TWh, contre 61,6 TWh en moyenne sur la période 2014-2019. « 2022 a été une année exceptionnelle sur le plan climatique, a justifié Maïté Jauréguy-Naudin, directrice statistique et valorisation des données. Les températures ont été supérieures aux moyennes saisonnières toute l’année. Les mois de mai et d’octobre ont été les plus chauds jamais enregistrés. Nous avons aussi traversé la pire sécheresse depuis 1929. » En conséquence, les barrages n’ont pas pu faire le plein au moment de la fonte des neiges, surtout dans les stations de haute et de moyenne montagne.
- Un recours massif au gaz et aux importations
Il a donc fallu trouver des électrons pour équilibrer le réseau. Pour ce faire, la France a massivement recouru au gaz. Cette énergie fossile a raflé la troisième place à l’éolien dans le mix électrique, avec une production de 44,1 TWh (contre 32,9 TWh en 2021). C’est l’été que les centrales à gaz ont le plus tourné, alors que les productions nucléaire et hydraulique étaient au plus bas.
La France a également mis ses voisins à contribution. Elle a été importatrice nette d’électricité en 2022, une première depuis 1980. Là encore, l’essentiel des imports a eu lieu pendant l’été, une période de l’année où l’Hexagone est traditionnellement fortement exportateur. 10 TWh ont été appelés sur le réseau tricolore pour les seuls mois de juillet, août et septembre. « Nous tirons une leçon importante de cet épisode, a commenté M. Veyrenc. Le marché européen de court terme (le marché spot) a rempli sa mission première : approvisionner en temps réel les pays qui ont le plus besoin de courant. Mais à un coût élevé, puisque ce prix a grimpé jusqu’à 612 euros le mégawattheure (€/MWh) la semaine du 22 août – contre 109 €/MWh en moyenne pendant l’année 2021.
Ces mesures exceptionnelles n’ont pas été sans conséquences sur les émissions de gaz à effet de serre françaises. Ces dernières ont augmenté pour atteindre 25 millions de tonnes d’équivalent CO2 (MtCO2eq), contre 21,5 MtCO2eq en 2021. « L’électricité produite en France reste parmi les plus décarbonée d’Europe, y compris en tenant compte des importations, a nuancé M. Piechaczyk. Nous sommes au troisième rang des mix électriques les moins émetteurs, derrière la Suède et la Finlande. »
- Une baisse record de la consommation
Une baisse record de la consommation électrique a permis de limiter les conséquences de cette baisse historique de la production. Les Français n’ont consommé « que » 459 TWh, soit 1,7 % de moins qu’en 2021. Ce niveau de consommation est légèrement inférieur à celui de l’année 2020, pourtant marqué par la pandémie de Covid-19 et les restrictions sanitaires, et en baisse de 4,2 % par rapport à la moyenne 2014-2019. « La dernière fois que la consommation a autant baissé, c’était en 2009, au lendemain de la crise financière », a commenté M. Veyrenc.
Des économies d’énergie chez les industriels
Cette baisse de la consommation s’est fortement accélérée à partir de septembre 2022. Chez les industriels d’abord, et en premier dans les secteurs de la chimie, la métallurgie et la sidérurgie, particulièrement exposés à l’explosion des coûts de l’électricité. Puis dans les secteurs résidentiel et tertiaire. « Il existe un indéniable effet économies d’énergie, dans un contexte marqué par une forte inflation, a expliqué M. Veyrenc. Mais étant donné le timing de la baisse, les campagnes de sensibilisation pour davantage de sobriété énergétique ont sans doute joué un rôle très important. »
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Énergies renouvelables : des raisons d’espérer
Nouveau record, plus réjouissant : 5 GW supplémentaires d’énergies renouvelables ont été reliés au réseau. Le parc éolien terrestre a crû de 1,9 GW, le parc solaire de 2,6 GW et le premier parc éolien en mer français a été mis en service à Saint-Nazaire, pour une puissance de 480 MW. « La progression de ces énergies est notable et encourageante mais il faut accélérer encore pour atteindre les objectifs inscrits dans la programmation pluriannuelle de l’énergie et respecter nos engagements européens », a néanmoins réagi Mme Jauréguy-Naudin.
Source : https://reporterre.net/En-France-la-production-d-electricite-au-plus-bas-depuis-30-ans